Léa Sorrentino : « Toinette est l'un de mes rôles préférés »

Nous avons rencontré Léa Sorrentino, alumna de Sorbonne Université et interprète de la sémillante Toinette dans Le Malade imaginaire.

Diplômée de la faculté des Lettres, Léa Sorrentino a rejoint la troupe du Théâtre Molière Sorbonne en 2018. Cette année, elle a le privilège de jouer Toinette dans Le Malade imaginaire, un personnage haut en couleurs qu’elle affectionne tout particulièrement. Rencontre.


 

Racontez-nous vos premiers pas sur scène et votre entrée dans la troupe du Théâtre Molière Sorbonne ?

Léa Sorrentino : J’ai découvert le théâtre à 12 ans lorsque la comédienne et metteuse en scène Maria Machado, femme du dramaturge Roland Dubillard, est venue faire un projet dans mon collège. J’ai intégré ses cours et j’ai continué à travailler avec elle pendant plusieurs années autour de Diablogues de Dubillard. 
 
Après le bac, je suis partie à Paris en classes préparatoires littéraires option théâtre, mais je n’avais plus le temps de pratiquer. C’est en intégrant le master de littérature française de Sorbonne Université que j’ai pu recommencer à jouer : j’ai choisi le séminaire de Georges Forestier et dès la fin de son premier cours, je suis allée voir ce professeur qui me semblait alors inaccessible en raison de la notoriété de ses travaux, pour en savoir davantage sur sa troupe. C’était très émouvant pour moi de pouvoir discuter avec celui dont j’avais épluché tous les livres en prépa. Il m’a invitée à venir voir l’école-atelier et c'est tout un monde que j'ai découvert.
Au bout d'un an, alors que la troupe préparait Andromaque, on m’a proposé de remplacer une étudiante dans la pièce. Et c’est ainsi qu’il y a quatre ans, je suis officiellement entrée dans la troupe du Théâtre Molière Sorbonne ! 

Vous jouez la servante Toinette, un rôle que vous appréciez particulièrement. Pourquoi êtes-vous attachée à ce rôle ? 

L. S. : Toinette est l'un de mes rôles préférés. J’aime sa personnalité. Elle fait le lien entre la salle et la scène : en s’adressant au public avec ironie, elle introduit du théâtre dans le théâtre. Elle fait le pitre tout en restant toujours du bon côté de la morale et en faisant avancer l'intrigue. Toinette a la responsabilité d’aller ouvrir à ceux qui toquent à la porte de la maison d’Argan et donne ainsi le tempo de la pièce. J’ai mis beaucoup de temps à trouver l'équilibre et la bonne partition pour incarner ce personnage. Quand on joue ce genre de rôle, on a souvent l’impression d'être ridicule et d’en faire trop. Ce n’est qu’à partir du moment où on lâche prise et on se libère du regard des autres que cela devient drôle et que l’on commence à prendre du plaisir en tant que comédien. 

Comment avez-vous travaillé la pièce ? 

L. S. : Fin 2021, je suis tombée malade. On devait jouer à Versailles en janvier et j’avais raté beaucoup de répétitions. Heureusement, la représentation a été décalée et j’ai eu deux mois pour tout rattraper. Le metteur en scène, Mickaël Bouffard, m’a beaucoup soutenue. Je répétais tous les week-ends et les soirs jusqu’à tard après le travail. Je rêvais Toinette, je cauchemardais Toinette ! Mais cela faisait partie du processus.  
Le théâtre baroque est une partition où il n'y a pas de place pour l'improvisation. La déclamation doit être précise et les gestes millimétrés. C’est pourquoi, depuis notre première à Versailles, je continue de m’exercer chaque jour pour les prochaines représentations.
 

Le Malade imaginaire est un projet hors normes qui donne tout son sens au mot spectacle

Comment s’est passée la collaboration avec les autres corps de métier ?

L. S. : Comme il était impossible de mobiliser plusieurs dizaines de personnes toutes les semaines, nous ne nous sommes tous rencontrés que lors des derniers filages. Une belle cohésion de groupe s’est tout de suite installée entre les danseurs, les comédiens, les chanteurs et les musiciens alors que nous ne nous connaissions pas. C'est incroyable comme en si peu de temps, nous avons pu créer des liens aussi forts. C’est aussi cela, la magie du théâtre !

Vous avez joué la première représentation à Versailles. Quel souvenir en gardez-vous ? 

L. S. : Nous avons découvert ensemble la scène de Versailles et les décors le jour de la générale. C’était magique. Cela faisait plus de deux ans que l’on préparait ce projet. La pression était telle que j'ai même eu un trou de mémoire de quelques secondes ! Un véritable moment de vertige, sûrement imperceptible pour le public, mais qui m’a paru une éternité. 
C’est aussi lors de ces premières représentations que nous avons pu tester notre jeu, nos choix d’interprétation et leurs effets sur le public. Je crois qu’il est plus difficile de faire rire que de faire pleurer et il n’y a rien de pire que d’avoir un public qui reste silencieux pendant une comédie. C’était notre crainte, mais heureusement cela n’a pas du tout été le cas !

Vous vous occupez également de la communication de la troupe ? 

L. S. : Après mon master de littérature française, j’ai intégré le master Métiers du management et de l'administration des entreprises de Sorbonne Université qui m’a permis d’entrer dans un cabinet de conseil en communication en tant qu’alternante. J’y travaille désormais à plein temps. Forte de ces compétences, Georges Forestier et Mickaël Bouffard m’ont confié la responsabilité de la communication du Malade imaginaire. Je gère notamment les réseaux sociaux. Comme Toinette a un rôle de médiation entre la scène et la salle, j’ai eu l’idée de créer un profil Instagram immersif pour ce personnage vieux de 400 ans qui observe de l’intérieur les préparatifs et les coulisses d’un spectacle historiquement informé. 

Je suis aussi la régisseuse de la troupe : j'organise la logistique des répétitions et des tournées en France et en Europe. Nous avons notamment joué aux Instituts culturels français de Madrid et de Florence. 

Que retenez-vous du projet du Malade imaginaire ? 

L. S. : C'est un projet hors normes qui ouvre de nombreuses perspectives et qui donne tout son sens au mot « spectacle ». Nous sommes près d’une centaine de participants (acteurs, musiciens, chanteurs, danseurs, costumiers, décorateurs…) réunis par une même passion et guidés par un même objectif : transmettre ce patrimoine d’exception et faire vivre des savoir-faire parfois oubliés à tort.  

Et la suite ?

L. S. : Nous allons encore jouer Le Malade imaginaire à Paris et en province. En juillet, nous participerons à des actions de médiation culturelle au Château de Versailles en présentant des scènes du répertoire de Molière mêlées d’improvisation. Nous allons aussi faire visiter le Palais-Royal à travers les personnages d’Argan et de Toinette durant les journées du Patrimoine en septembre. Et très prochainement, nous enregistrerons un disque-livre avec Denis Podalydès (collaboration Gallimard-Harmonia Mundi) à l’occasion des 400 ans de Molière !