© Patrice Nin - De fil en déco

3 questions à Antoine Fontaine, peintre en décor et scénographe sur Le Malade imaginaire

Antoine Fontaine est peintre en décor et scénographe pour le cinéma et l’opéra depuis une trentaine d’années.

 

A son actif : les fresques de La Reine Margot de Patrice Chéreau, Le Barbier de Séville mis en scène par Coline Serreau à l’Opéra Bastille… et tout récemment, les somptueux décors du Malade imaginaire par le Théâtre Molière Sorbonne. Rencontre. 

(Photo de couverture par Patrice Nin,  magazine De fil en déco)

 


Comment avez-vous été amené à travailler sur ce projet ?

Curieusement, c’est le cinéma qui m’a amené au décor patrimonial. Après les films La Reine Margot, Vatel et Marie-Antoinette de Sofia Coppola, Jean-Paul Gousset, le directeur technique des scènes du Château de Versailles, m’a demandé de compléter des décors anciens, avec les techniques traditionnelles de la peinture à la colle de peau. 
J’ai ensuite eu la chance de pouvoir concevoir une dizaine de décors patrimoniaux pour le Centre de musique baroque de Versailles. C’est là que j’ai rencontré Mickaël [Bouffard, co-directeur artistique et scientifique du Théâtre Molière Sorbonne] qui m’a parlé de son projet de Malade imaginaire historiquement informé. 

Durant la conception de la pièce, vous avez dirigé un atelier éphémère de menuisiers et de peintres qui a mis en pratique les savoir-faire du XVIIe siècle. Pouvez-vous nous raconter ce chantier ?

Pour coller le plus fidèlement possible aux spectacles d’autrefois, nous avons fait appel aux décorateurs Jérôme Pouvaret et Claude Pierson, des érudits de la machinerie scénique traditionnelle. Tous les décors ont été construits en bois massif et coupé en sections relevées sur des décors anciens du théâtre de la Reine dans le domaine du Petit Trianon. Les assemblages ont été faits en clous retournés, les vis n’existants pas à l’époque. 
Pour les changements de décors, la translation des châssis – qui permet de déplacer les châssis sur des rails – était impossible dans un théâtre moderne. Nous avons donc mis en place un système inédit fait de glissières équipées sur chevalets. Cette technique a permis de simuler les mouvements d’époque sans avoir accès au-dessous des théâtres.

Côté peinture, toutes ont été réalisées sur des toiles de lin, le coton n’existant pas au XVIIe siècle. Les couleurs sont constituées de pigments en poudre, dilués à l’eau et mêlés à de la colle de peaux de lapin passée à chaud. Il faut savoir que cette technique de peinture a perduré dans les théâtres jusque dans les années 1960 pour finir par être remplacée par la peinture acrylique.

Qu’avez-vous le plus apprécié dans cette expérience?

Ce qui m’a le plus intéressé est, étonnamment, de devoir travailler avec une contrainte : celle de la documentation historique. Nous n’avions aucune indication de couleur pour les peintures par exemple, excepté pour le carrefour comique1 basé sur une aquarelle de Jean Bérain. J’ai en outre apprécié le fait de devoir inventer un système autonome de translation pour les décors avec changements à vue étant donnée l’absence de machinerie historique dans les théâtres actuels. 

Antoine Fontaine sur les décors du Malade imaginaire - © François Le Guen
Antoine Fontaine sur les décors du Malade imaginaire © François Le Guen

 


1  Le carrefour comique est une place de ville type sur laquelle étaient jouées un grand nombre de comédies du XVIIe siècle se déroulant en plein air.

Biographie

Après ses études à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris, Antoine Fontaine entreprend plusieurs restaurations monumentales et décors peints : le Passage Colbert à Paris, la salle du Capitole à Toulouse, la salle de l’Élysée Montmartre… 
Depuis 1986, il exerce comme scénographe pour le cinéma. On le connaît notamment pour son travail pour La Reine Margot de Patrice Chéreau, Un Divan à New York de Chantal Akerman, L’Anglaise et le Duc et Triple Agent d’Eric Rohmer, Saint-Jacques la Mecque de Coline Serreau, Vatel de Roland Joffé, Marie-Antoinette de Sofia Coppola, Océans de Jacques Perrin et J’accuse de Roman Polanski. 

Il scénographie également pour l’opéra et travaille pour le Centre de musique baroque de Versailles et l’Opéra-Comique dans Les ballets de Noverre, Amadis de Gaule, la parodie d’Hippolyte et Aricie et Pygmalion à Potsdam
Pour Coline Serreau, à l’Opéra Bastille, il créé les décors de La Chauve-Souris (2000), Le Barbier de Séville (2002), Manon (2010). A l’Opéra Royal de Versailles, il scénographie Richard Cœur de lion de Grétry, pour Marshall Pinkoski.

Antoine Fontaine a également travaillé pour plusieurs expositions : Kang Xi, la Cité Interdite Splendeur de la cour de Saxe au Château de Versailles, Les années folles 1919-1929 au Palais Galliéra, Monuments, Stars du 7ème art à la Conciergerie, Brassens ou la liberté et Barbara à la Philharmonie de Paris.

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