L’interprétation historiquement informée : un retour aux sources et à leur expérimentation

L’interprétation historiquement informée : un retour aux sources et à leur expérimentation

Mouvement musical apparu au XXe siècle, l’interprétation historiquement informée est une formule employée pour caractériser la redécouverte et l’interprétation authentique de la musique ancienne.

L’interprétation historiquement informée : un retour aux sources et à leur expérimentation

« Des musiciens ont souhaité se rapprocher de la façon dont était jouée la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, et des intentions originelles des compositeurs. Ils se sont mis à jouer sur des instruments d'époque (ou des copies fidèles) et ont réalisé un travail sur l'ornementation, les diapasons, les tempéraments et les tempis décrits dans les sources anciennes. C’est à ce moment-là que la notion d’histoire et donc celle d’interprétation historiquement informée est apparue », explique Georges Forestier. 

À la différence des textes dramatiques auxquels elles donnaient corps, les pratiques théâtrales du Grand Siècle n’ont malheureusement pas survécu au passage du temps. « Notre lecture du théâtre du XVIIe siècle souffre de cette disparition, puisque les auteurs imaginaient leurs pièces en fonction des traditions de représentation de leur temps », souligne Mickaël Bouffard. Sachant à quel point le corps des comédiennes et comédiens jouait un rôle complémentaire de celui des mots au sein de la mécanique du spectacle, l’absence de ces données d’ordre sonore, visuel et cinétique prive d’une partie du sens auquel avait accès le spectateur d’autrefois.

Pour contourner cet obstacle apparent, le Théâtre Molière Sorbonne s’inspire de cette démarche en partant à la recherche des techniques pour lesquelles les pièces théâtrales anciennes ont été composées. Depuis une quarantaine d'années, des recherches ont également tenté de retrouver le jeu du comédien des XVIIe et XVIIIe siècles et de comprendre pour quel type d’interprétation, de diction et de gestuelle, Molière, Corneille et Racine écrivaient leurs pièces. 

« En l’absence d’enregistrements qui nous révéleraient à quoi ressemblaient les spectacles d’alors, le principe d’interprétation historiquement informée met au premier plan l’examen critique des sources archivistiques, iconographiques et matérielles qui nous renseignent sur les pratiques théâtrales. Lacunaires, allusives, elliptiques et parfois contradictoires, ces sources permettent néanmoins d’émettre des hypothèses, d’extrapoler pour établir des consignes de jeu, sachant que ce travail reste provisoire jusqu’à l’avènement de nouvelles découvertes. Comme pour toute forme de restauration sur une œuvre d’art, le travail du restaurateur ne doit jamais être irréversible », explique Mickaël Bouffard. 

Et de continuer : « L’expérimentation, soit en intériorisant les données de la recherche sur les gestes, la posture ou la prononciation, soit en fabriquant des décors ou des costumes avec les techniques d’époque, est un moyen d’approcher la connaissance, tout particulièrement lorsqu’on soumet ce travail à l’épreuve du plateau. L’obligation de remettre une œuvre à la scène fait apparaître toutes sortes de questions, que nous étions autrement incapables d’imaginer et dont nous ne pouvions pas voir les réponses, pourtant contenues dans des sources qui nous sont familières. » 

Dans le même temps, l’expérimentation éclaire la raison de certaines règles parfois hermétiques et en cela nous procédons à la manière de l’archéologie expérimentale qui comprend mieux les outils et techniques des mondes anciens en tâchant de les reproduire et de les mettre à l’épreuve.

« Notre vision de l’interprétation historiquement informée, ajoute Georges Forestier, se veut une démarche archéologique et historique au service d’une expérimentation vivante et incarnée. Comme pour la musique, le but de ce type d’interprétation n’est pas d'aboutir à une illusoire ‘‘reconstitution’’, mais de réactiver les pratiques théâtrales ayant cours à l’époque. L'objectif est non seulement de procurer au public l'expérience d'un type de jeu disparu, mais surtout de proposer des spectacles aussi vivants et parlants qu’à leur création. »

 

Georges Forestier

Notre vision de l’interprétation historiquement informée se veut une démarche archéologique et historique au service d’une expérimentation vivante et incarnée.